• L’armée russe en 2023, est-elle devenue la plus sous-estimée du monde ?

    Je vous propose ici une analyse succincte d’un effet médiatique et d’un état des lieux tactiques de la guerre en Ukraine.

     

    D’abord un récapitulatif. En février 2022, après de longs mois de stationnement de forces russes à la frontière au motif d’exercices, une opération militaire spéciale de grande ampleur a été initiée deux jours après une tentative de déception de la Russie, qui ironiquement, annonçait la fin de ces exercices et le retrait de leurs troupes.

     

    Le renseignement américain était alors le plus lucide sur la situation, et demeurait convaincu de la volonté russe d’entamer une campagne militaire. On a pu observer durant ces deux jours critiques, que de manière curieuse, les services de renseignement des pays comme l’Ukraine ou la France avaient cédé face à la tactique russe, et continuaient de croire une telle offensive impossible.

     

    Durant la première semaine, le commandement ukrainien s’est donc trouvé dans un état de sidération relativement périlleux. De nombreux témoignages de volontaires étrangers font état d’un commandement pris au dépourvu, éprouvant des difficultés à évaluer les forces adverses, mais aussi l’état de leurs propres forces. Globalement les témoignages nous narrent l’état d’une armée ukrainienne paniquée et paranoïaque.

    Néanmoins et de manière remarquable, une défense solide s’est organisée rapidement. Et le plan russe d’une victoire rapide par la mise en déroute des forces de Kiev, qui aurait conduit à une désagrégement politique de l’Ukraine, s’est avéré être un échec stratégique considérable.

    L’armée russe n’a certes pas fait de déclaration de guerre, et fort de leur zèle, ils ont employé une armée d’environ 100.000 hommes, pour attaquer un État sur trois fronts différents. Pour dire les choses clairement, il s’agit tout simplement d’une des plus petites armées d’invasion de l’histoire militaire.

     

    Ne prenons pas les russes pour des idiots cependant. La stratégie russe n’était pas assez naïve pour ne pas être consciente de la faiblesse numérique de sa force, on présume alors que son espoir reposait sur un pari très incertain, de remporter toutes les victoires stratégiques durant la phase de déroute initiale de l’armée ukrainienne. De tels faits d’armes sont en effet possibles, et il a pu arriver lors de l’histoire militaire, que des forces numériquement inférieures remportent des victoires miraculeuses dès lors qu’ils sont parvenus à pousser leur adversaire dans un état de panique. Mais néanmoins, faire du miracle un élément stratégique, est rarement une manière efficace de procéder, et naturellement une fois l’offensive sur Kiev enlisée, les russes ont immédiatement retiré la totalité des forces de ce front, pour renforcer les forces à l’Est, qui étaient elles-mêmes sous dimensionnées pour sécuriser leurs gains territoriaux.

     


    Lors de l’échec de l’encerclement de Kiev, une rupture symbolique profonde a eu lieu. Les dirigeants occidentaux, qui étaient jusqu’alors désarçonnés, ont changé subitement leur regard sur la Russie, ils ont cessé de courber leurs dos et leurs yeux ont pris un accent d’avidité: “— La Russie n’est pas capable de réussir un Blitzkrieg sur un pays aussi dérisoire que l’Ukraine. En vérité, la Russie est faible.”

     

    Pour comprendre cet élément de contexte important, la Russie jouissait d’une aura de militarité et de puissance fantasmée. Leurs matériels sont en effet nombreux, sophistiqués et compétitifs dans de nombreux champs tactiques. Les russes avaient aussi cultivé l’art de la guerre, en médiatisant assez ouvertement leurs interventions depuis plusieurs décennies. On avait là, l’apparence d’un géant.

     

    Mais voilà la réalisation inverse qui, subitement, a frappé l’ensemble des pays occidentaux et leurs médias. L’occasion était trop belle de se rebiffer et de prendre la Russie à défaut, afin de déstabiliser cet État sur le long-terme. La déstabilisation de la Russie est un objectif stratégique majeur permanent des pays membres de l’OTAN, et par leurs piètres performances militaires sur le front Ukrainien, la voie était enfin ouverte pour infliger une défaite politique et économique à cet État si longtemps tenu en respect.

     

    Les européens initialement défaitistes, convaincus de la défaite de l’Ukraine, voire pour des raisons économiques, souhaitant en secret sa défaite rapide (c’est le cas de l’Allemagne), ont pris le virage exactement opposé et sont rentrés d’un seul élan dans la cobelligérance complète.

     

    En l’espace de quelques mois, l’armée Ukrainienne profitant du renseignement stratégique Otanien (aéronautique, forces spéciales, satellitaires), de l’argent illimité de l’occident, et des stocks d’armes européens, cette armée, s’est trouvée métamorphosée en la première force militaire d’Europe, au prix du sang des conscrits ukrainiens, emmenés par l’Europe dans un dur combat d’attrition.

     

    Depuis lors, la Russie continue d’éprouver ces hommes sur le front Est, elle mène un combat difficile, dans la frugalité des moyens, et subit des pertes qui ont rendu l'appellation “d’opération militaire spéciale” désuète. Si la Russie ne déclare pas encore la guerre à l’Ukraine, l’intensité des combats est désormais objectivement très proche d’une guerre ouverte. 

     

    Mais c’est là qu’est censé résonner enfin le titre de cet article. L’armée russe s’enlise et peine, l’armée russe pondère ses ambitions, et quoiqu’elle tue beaucoup plus de soldats ukrainiens, mobilisés vagues après vagues, qu’elle ne perd elle-même d’hommes, cette situation la laisse déchue de son prestige.

    Mais pour autant, l’Europe lancée dans une campagne très belliciste en enthousiaste face à une Russie affaiblie, la vilipendant, la condamnant à au déshonneur, se réjouissant d’envoyer des matériels pour tuer ces ressortissants, ou d’initier une propagande de guerre dans nos médias. L’Europe a-t-elle si vite oublié que la Russie n’est pas en guerre ? A-t-elle si vite oublié que la Russie a encore la ressource de faire plus que ce qu’elle fait maintenant ? La ressource humaine, matérielle, nucléaire, et politique. La Russie n’est pas faible et ne l’a jamais été. La destruction intégrale des infrastructures ukrainiennes, avec le seul usage de moyens conventionnels, reste à leur portée. Et si l’intégralité de la population ukrainienne se trouve obligée de quitter le territoire ukrainien pour continuer à vivre, il n’y aura là aucune victoire, ni pour la Russie, ni pour l’Europe, mais seulement le coût tragique d’une guerre qu’on a pris trop de plaisir à entretenir.

     

    Nous nous sommes jetés avec plein d’entrain dans la dénonciation contre la Russie, la propagande médiatique a depuis longtemps cessé de rapporter l’information du conflit. Elle ne crée plus que des narratifs pour humilier les faits d’armes russes, tourner en dérision leurs morts et leurs faiblesses, ou encore pour prêter à leur chef d’État, toutes sortes de pathologies mentales et physiques, réminiscentes des conversations acides et fantaisistes auxquelles s’adonnent parfois les enfants vers l’âge de la maternelle. 

     

    C’est cela que l’on appelle la propagande de guerre. Et nos dirigeants se sont pris les pieds dedans, enivrés par cette opportunité trop alléchante de soumettre un ancien ennemi. Persuadés de la faiblesse russe, nous avons seulement initié un engrenage d’escalade infini, où la Russie sera forcée de monter en puissance et d’augmenter la brutalité des combats, car elle le peut encore, disposant d’une réserve d’hommes et de matériels considérable, et l’Europe, également forcé de fournir encore plus de fonds et de participation militaire. Ni l’Europe, ni la Russie ne veulent céder sur leurs intérêts stratégiques, mais notre faiblesse, ce que nous nous sommes engagés seulement sur la prémisse que la Russie était faible, car elle avait échoué une offensive éclaire. Désormais la Russie est très consciente des enjeux et de sa force, et c’est l’Europe qui se surestime. Cette guerre sera donc continentale et longue, et sa violence continuera de connaître un mouvement ascensionnel jusqu’à l’épuisement complet des moyens.

     

    Soit un jour, de guerre lasse, la Russie escaladera en attaquant les satellites américains, ou les camps logistiques et d'entraînement en Pologne et Roumanie. Soit un accident surviendra entre chasseurs otaniens et chasseurs russes, soit la menace nucléaire sera sérieusement étudiée, afin de paralyser l’Ukraine grâce à des frappes calibrées.
    Tandis que de son côté l’Ukraine comme l’OTAN joueront peut-être aussi des cartes risquées, emmenant officiellement des soldats étrangers sur le sol ukrainien, ou autorisant les frappes d’HIMARS en territoire russe (car ces derniers sont actuellement bridés volontairement par les États-Unis, qui demeurent beaucoup plus lucides sur la réalité des forces russes, que les européens).

    Les possibilités d’escalade sont encore très nombreuses, mais l’Europe a pourtant déjà perdu. Nous avons aliéné la Russie, qui était un partenaire, un rival, mais non un ennemi. Nous nous sommes précipités dans la confrontation avec trop d’appétit. Notre autonomie stratégique avait-elle besoin de ça ? Nous sommes les plus sots de l’histoire, car si les russes se battent pour l’espace vital russe. L’Europe ne se bat que pour les besoins stratégiques américains.

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